Article : Avril : Mois de la visibilité de l'autisme - Hypersensibilité et hyposensibilité - 2/4

Avril : Mois de la visibilité de l'autisme - Hypersensibilité et hyposensibilité - 2/4

Photo : Lucas DOLLINGER
Lucas DOLLINGER | Psychologue
03/04/2023 | Temps estimé de lecture : 5 mins | 556 vues | 8 J'aimes

Dans le mode de fonctionnement autistique, il existe des particularités sensorielles. Elles ne sont pas spécifiques à l'autisme, il est possible qu'à la lecture, vous même, vous vous reconnaissiez dans certaines d'entre elles. Ce sont ces particularités associées à d'autres qui vont définir un mode de fonctionnement autistique.

La sensorialité 

On connait classiquement 5 sens pour parler de la sensorialité, il en existe pourtant d'autres . En effet, sur les 5 sens conventionnel; le goût, l'odorat, le toucher, la vue et l'ouïe, on peut rajouter la thermoception (température), la proprioception(position), la sensorialité vestibulaire (équilibre), l'intéroception (organes) et la nociception (douleurs).

Détaillons les différents sens du point de vue de l'hypersensibilité et / ou de l'hyposensibilité. 

La vue 

Habitant à Nancy, nous avons une célèbre place, la place Stanislas ; celle-ci est pavée de pierres blanches, encadrée de façades blanches également et cerclée de dorures ça et là. Un jour de plein soleil, sans lunette de soleil, la place est éblouissante ce qui peut être très désagréable et s'approche de ce que ressent une personne hypersensible à la luminosité.  

A contrario, une personne hypo sensible ira augmenter la luminosité, regarder de très près une source lumineuse comme celle d'un jouet pour enfant par exemple parce que cela l'attire.

Le goût 

Dans mon métier, il m'est arrivé d'intervenir dans une structure du social qui recevait un jeune enfant avec fonctionnement autistique.  Les professionnels étaient très surpris. Pour lui faire plaisir, il lui prenait des pizzas que le petit bonhomme ignorait. Prenez quelques instant pour imaginer les stimulations cumulées que vous recevez quand vous mangez une part de pizza : certains morceaux sont surcuits donnant une texture croustillante voire granuleuses lorsqu'ils sont cendrés, d'autres seront mous comme au cœur de la pâte et enfin la garniture peut présenter toute sorte de textures (celles du fromage, des champignons, de la sauce...). Cette profusion peut être très désagréable pour un hypersensible gustatif. Celui-ci va donc fortement sélectionner sa nourriture. 

Un hyposensible quant à lui va mettre les objets dans sa bouche ou avaler des aliments au goût très prononcé. 

L'ouïe 

Si vous avez déjà croisé une personne au fonctionnement autistique, vous avez sans doute entendu des sons, des râles, des cris. Elle peut également produire des sons en utilisant un objet sonore ou en tapant sur un objet. Ces différents bruits sont émis dans un contexte bruyant (magasin, restaurant, fêtes…), souvent en réponse à l'hypersensibilité auditive, en produisant un contre-bruit.  Ce dernier a le mérite d'être contrôlé par la personne qui le produit. Un autre procédé est de se boucher les oreilles. 

A l'inverse, il n'est pas rare d'observer une répétition d'une séquence sonore avec un jouet, une musique…, répétition qui compense en partie une hyposensibilité sonore. 

Le toucher

Une hyposensibilité va se traduire par une attirance pour des textures qui pour une sensibilité "normale" paraitrait désagréable. Ce sera l'inverse pour un hypersensible qui ne supportera que des tissus très doux par exemple. Ce dernier n'aime pas être touché. 

L'odorat 

Un hyposensible aime les odeurs fortes, voire désagréables, ou renifle des objets ou des aliments. 

La thermoception

Elle existe plus souvent sous la forme d'une hyposensibilité. Il n'est pas rare d'observer des personnes de fonctionnement autistique qui ne mettent pas de veste en plein hiver ou s'exposent au soleil sans protection adaptée alors qu'il y a une brûlure de coup de soleil. 

La proprioception

C'est la manière dont on se ressent. 

La personne hyposensible aime porter des objets lourds et est moins sensible aux signes corporels comme la satiété ou la soif. L'hypersensible adopte des postures corporelles qui peuvent paraitre étranges. 

La sensorialité vestibulaire

Elle est liée au mouvement, lorsqu'on marche, cours, fait du vélo, on expérimente ce sens. 

Dans son livre, Ma vie d'Autiste, Temple Grandin, une autiste très médiatique illustre ce point en décrivant à quel point faire de la balançoire pouvait la rendre euphorique de bonheur, plus particulièrement s'enrouler et se dérouler avec le banc. Dans le cas d'un hypersensible, à l'inverse, ,e pas sentir ses pieds toucher le sol est angoissant.

La nociception où la perception de la douleur

Dans mon métier d'intervenant social dans le milieu du handicap, il est souvent question de troubles du comportements lié à une douleur, du jeune qui se mord au sang (hyposensible) à celui qui va détruire un meuble tant la douleur est insupportable (hypersensible). 

Ces perceptions sensorielles sont spontanées, continues et variées. Pour une personne de fonctionnement "ordinaire", ces informations vont pouvoir être gérées et sélectionnées assez facilement soit parce qu'on va y prêter une attention particulière soit parce qu'on va prendre des dispositions pour en limiter les stimulations. Cette souplesse là est beaucoup plus difficile pour une personne qui fonctionne sur un registre autistique pour plusieurs raisons : d'abord le seuil de sensibilité sensorielle ne sera pas le même d'un sens à l'autre avec des écarts beaucoup plus importants, ensuite la manière dont la stimulation est vécue est beaucoup plus intense, et enfin la capacité à exporter des outils, des comportements d'un contexte à un autre pour gérer une stimulation sensorielle est très difficile. 

Sur le premier point, en prenant 0 comme seuil de stimulation sensorielle, dans un fonctionnement autistique, il est possible que ce seuil soit à -20 en thermoception par exemple et 40 en auditif. Soit la nécessité d'être sur une température très marquée pour la ressentir d'une part, et d'autre part, un grésillement comme le son d'une radio, ou l'aboiement d'un chien va résonner très fort, trop fort. De plus dans le fonctionnement autistique, il est observé que le traitement de l'information sensorielle se fait un sens à la fois, là où en population "ordinaire" les informations seront traitées simultanément. 

Sur la compensation sensorielle maintenant. Si nous sommes quelques instants handicapés de l'un de  nos sens, la vue par exemple, nous compensons naturellement par nos autres sens l'absence d'informations visuelles, c'est ce dont témoigne les personnes qui composent avec ce genre d'handicap. Mais quand nous avons à disposition les informations de tous nos sens, il y a intégration de chacune pour donner un "tableau sensoriel" dans lequel nous ne distinguons pas chaque information, sauf à y prêter attention. Dans le fonctionnement autistique l'intensité d'un sens ne se dilue pas par le traitement d'autres informations, comme si le cerveau ne faisait aucune sélection. De ce fait, le monde peut être ressenti comme très chaotique, des détails peuvent être remarqués, un environnement ne plus être reconnu parce qu'un détail a changé... 

Certains profils comme ceux dit "Asperger"  développent quant à eux une compétence, une connaissance et une appétence pour des domaines très précis. Ce sont des personnes qui maîtrisent plusieurs langues, les drapeaux des pays ou qui peuvent reproduire une ville entière en dessin à partir d'une image présentée quelques instants. Ce qu'on appellera ici, une hypermnésie. 

Enfin, toujours dans la perspective d'un traitement focal des informations. il est difficile dans le cade d'un fonctionnement autistique de pouvoir exporter des stratégies d'un contexte à un autre. Il y a une sorte de cloisonnement des espaces et des relations. Par exemple, dans le cas d'une hypersensibilité au bruit, on peut proposer à la personne d'utiliser un casque pour l'insonoriser le temps du repas. Spontanément, cette personne n'utilisera pas ou difficilement le casque quand elle se déplace dans un lieu bruyant comme une fête ou un supermarché par exemple, cela nécessitera un nouvel apprentissage. Ainsi, la gestion des hyper et hypo sensorialités demande un apprentissage systématisé à chaque contexte entrainant au passage une fatigue très importante. 

Voilà pour ce qu'il en est des particularités sensorielles dans un fonctionnement autistique. Mon propos ici est une sensibilisation globale des troubles du spectre autistique, d'autres variables sont en jeux, notamment ce qu'on appel les "stim", des comportements de régulation du traitement de l'information sensorielle. Nous en palerons dans un prochain article . 

Source·s

https://www.youtube.com/watch?v=CNZu7Q2zQ0w
https://www.youtube.com/watch?v=YtP_ooNz5xU
https://www.youtube.com/watch?v=TCbNP1rMtF8&t=38s
https://www.participate-autisme.be/
https://www.autismeinfoservice.fr/

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